• Une (triste et belle) histoire

    Je vais vous raconter une histoire.

    De jeunes amoureux voulaient s'installer ensemble. Or, à Paris, toutes leurs économies auraient fondu en peu de temps. Ils partirent donc pour la Belgique, ils partirent pour Bruxelles. Lui, pouvait vivre n'importe où. Elle, avait l'assurance d'être embauchée là-bas.

    Ils trouvèrent un appartement en une journée et découvrirent l'une des multiples facettes des belges : ils commencent par faire confiance. Pas de dossier, pas de garants, un simple "on prend" et c'était signé !

    Cet appartement devint très vite leur nid douillet. Ils l'inaugurèrent deux semaines plus tard, avec des gens qu'ils ne connaissaient pas et qui devinrent par la suite de très, très bons amis. Ils ne les connaissaient pas, et pourtant ces personnes ne s'étaient pas "incrustés" dans cette soirée comme on pourrait l'imaginer. Ils étaient venus, les uns avec des bières à faire découvrir, les autres avec un petit plat ou un grand sourire, dans le seul but de connaître ces amoureux.

    Très vite elle se mit au travail et dans toutes les écoles où elle allait, elle était bien accueillie. Les enfants aimaient sa venue, les enseignants discutaient avec elle pour la mettre à l'aise, elle prit l'accent belge en quelques jours et ils mirent plusieurs semaines à découvrir qu'elle était française.

    Les amoureux partirent à la rencontre de la ville, se baladèrent dans les parcs, dégustèrent leurs premières gaufres chaudes (celles que seuls les touristes recouvrent de chantilly ou autre, alors qu'elles sont déjà si bonne natures !), goutèrent les frites des différentes friteries pour les comparer, s'approprièrent cette ambiance si particulière, l'ambiance de Bruxelles...

    C'est peut-être cette ambiance qui fit que chaque fois qu'elle faisait Paris-Bruxelles et arrivait Gare midi, elle avait l'impression de "rentrer à la maison".

    Au bout d'un an, elle tomba enceinte.

    Dès le début du 4e mois de grossesse, on lui proposa de s'asseoir dans le métro. Elle n'eut jamais à faire un trajet sans s'asseoir. On lui cédait la place, parfois même plusieurs personnes à la fois.

    Lorsqu'elle rentra à Paris, on la bouscula dans le métro pour se jeter sur une place libre. Elle en était à 7 mois et demi de grossesse...

    Il partit travailler pendant un mois et demi la laissant seule. Enfin, seule... Amis et voisins vinrent l'aider et lui tenir compagnie. Un petit plat, un massage, des biscuits, des courses apportées à la maison... En cas de problème, elle savait que quelqu'un pouvait débarquer dans l'heure pour l'aider. Elle était loin de sa famille mais si bien entourée..!

    Elle avait des questions sur la fin de grossesse, l'accouchement, le début de vie d'un nourrisson. Une sage-femme en formation vint passer plusieurs heures à parler, autour d'un thé. Elle devint une amie, elle aussi.

    Il revint. Les contractions commencèrent. Un ami les conduisirent à la maternité ...ce n'était pas le bon jour. Dans la nuit tout s'intensifia, il fallut repartir à la maternité au petit matin ...l'ami était là à 6h30, prêt à les conduire.

    Ils devinrent parents. C'était magnifique et épuisant et tellement de choses à la fois. Ils prirent le tram pour rentrer à la maison, bébé en écharpe, passèrent à la friterie dire bonjour... Il faisait si beau ce jour-là, ils étaient les plus heureux du monde !

    Il repartit. Et elle n'était toujours pas seule. Chaque jour, un ami vint faire un plat, ou un peu de ménage, étendre du linge, apporter des courses... pour qu'elle puisse se consacrer à ce bébé qui tétait presque toutes les heures.

    Même les voisins aidaient beaucoup. Celui du rez-de-chaussée avait monté le lit de bébé au 4e étage (sans ascenseur), ceux du 1er avait donné des vêtements, celui du 2e était principalement au Pakistan à cette période mais prenait des nouvelles lorsqu'il était là, ceux du 3e apportaient des plats ou portaient des sacs lourds jusqu'au 4e aussi. Celui du 5e... bon c'était un français. Pas très sympathique, bref.

    Ce bébé leur donna envie de se rapprocher de leurs familles. De plus, une réforme avait changé les conditions de travail et elle avait un statut très précaire. Il sentait qu'il ne fallait pas rester dans les grandes villes. Il y avait eu l'attentat du 7 janvier à Paris. Bruxelles était le centre de l'Europe, une cible sur la carte. Jamais elle n'aurait pu imaginer à quel point il avait raison...

     

    Voilà. Cette histoire c'est la nôtre. Poussinette est née à Bruxelles. Nous avons des amis incroyables là-bas, qui se plieraient en quatre pour nous ...qui l'ont fait en fait, jusqu'à nettoyer un siphon de lavabo... je n'en reviens toujours pas ! Nous avons aimé rouler à vélo dans Bruxelles, entendre parler flamand, français, anglais, faire des claquettes avec des filles géniales et danser au Bozar, dire "ça va" à tout bout de champs et "savoir" au lieu de "pouvoir", manger des frites lorsqu'on avait la flemme de faire à manger, goûter des tonnes de bières différentes et tellement savoureuses, préparer un spectacle jamais joué, être respectés dans nos choix de naissance, soutenus pour l'allaitement, monter des projets fous avec les écoles, les alleycats, les brunchs avec les amis, les discussions en attendant le bus, les boîtes à tartine du midi à l'école, les heures de conduite avec des guides géniaux, les sandwichs de Véro, le body painting, les dédicaces de BD, les entraînements à l'ULB, le musée des instruments de musique, les Gens que j'aime, le café Novo, Parmesan et Ricotta, Take eat easy, Les choux verts, Färm, Desmecht, Filigranes, et tant d'autres choses encore...

    Ça fait des jours que je pense à Bruxelles, des semaines en fait que je me demande quand nous y retournerons. Pas pour y vivre, non, on a fait notre nid ailleurs, dans une province française, mais pour voir les amis, pour flâner...

    Ce qui s'est passé le 22 est choquant, terrifiant. Et pourtant, plus que jamais, j'ai envie de retrouver ces gens et ces lieux que j'aime.

    Je t'aime, Bruxelles

    - Lilaluna-

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  • Commentaires

    1
    Lundi 28 Mars 2016 à 23:00

    C'est beau, c'est émouvant, on était comme des guimauves avec Victor quand je lui ai lu ton article !
    Prenez soin de vous ♥

    2
    Mercredi 4 Mai 2016 à 16:32
    Joyeuse Théoricienne

    Ah je savais pas que les belges étaient comme ça... c'est cool :)

      • Mercredi 4 Mai 2016 à 21:15

        Les belges sont adorables ♥
        Mais il y a aussi des c... partout, hein ! ^^ En tout cas, les personnes les moins sympathiques rencontrées à Bruxelles étaient tous des français expat'

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