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La folie d'un voyage
Vendredi, je passe la matinée avec une amie et elle me dit une chose qui fait "tilt" dans ma tête : c'est souvent lorsqu'on lâche-prise que ce que nous attendons depuis longtemps nous tombe dessus.
En ce moment je vis dans l'attente de savoir si j'aurai un nouvel emploi pour la rentrée de septembre. Nous sommes à un embranchement de notre vie et face à un choix décisif... qui dépend en grande partie de cet emploi. Autrement dit, il était temps que je lâche prise car la tension était devenue insoutenable.Samedi matin, 11h45
J'apprends que deux personnes inscrites à mon atelier de dimanche se désistent. Il ne reste plus assez d'inscrits, je dois annuler la séance. "Et si on allait voir les Renards ?" me dit Alfredo. Ni une ni deux, je m'installe devant l'ordinateur, toujours en pyjama et je regarde combien de kilomètres nous séparent de leur terrier, s'il y a des trains qui font la moitié du trajet et si la météo n'est pas trop catastrophique. J'appelle nos amis et leur demande si on peut venir les voir ce week-end. Il y a un train qui part dans 20min. A peine raccroché, je dis à Alfredo que c'est ok et lui demande si c'est jouable d'avoir le prochain train. Il me répond "Allez, on tente !"
Nous sautons dans des vêtements, nous en jetons d'autres dans un sac, Alfredo pense à prendre un repas pour poussinette et une carte routière, je pense à prendre des couches et une bouteille d'eau. Poussinette ne comprend pas bien ce qui se passe... Jusqu'à ce qu'on lui enfile son casque, car c'est décidé ! Nous partons faire du vélo.12h22
Je rappelle les Renards pour leur dire qu'on est dans le train. Plus de retour en arrière possible, on part pour l'aventure, alors qu'il y a une heure on n'en avait même pas l'idée.
Je ne fais jamais ce genre de folie. Moi qui aime tout planifier et organiser, je laisse assez peu de place aux plans de dernière minute. Mais je crois que cette fois, je n'avais pas le choix. J'avais besoin de m'aérer, penser à autre chose... de manière radicale !13h30
On descend du train. Première épreuve : il faut monter un escalier d'au moins cinquante marches et en redescendre autant pour quitter le quai. Avec le vélo cargo, un sac rempli, une poussinette et le Croix de fer. Allez !
On se ravitaille au supermarché du coin : crackers au graines et barres chocolatées hyper sucrées (et boite de mouchoirs, indispensable !). Après cet étrange repas (ouch je ne suis plus habituée à manger aussi sucré !) on part.14h
On sort de la ville et je prends mes repères sur le vélo. Je n'ai pas trop l'habitude du guidon type "course", mais je m'y fais assez vite. C'est la première fois que je pars pour une longue distance (je pense n'avoir jamais fait plus d'1h de vélo). Et là, c'est 46km qui nous attendent.
Je n'ai jamais roulé sur des départementales non plus, avec des voitures qui nous dépassent à 90km/h. Et pour ne pas me laisser envahir par la peur, je fixe le dos d'Alfredo qui roule devant moi, je me concentre sur la distance qui nous sépare, essayant de la réduire au maximum.
La bruine se dépose sur nos visages, il fait frais mais c'est agréable, on respire !Au bout de 20min, j'ai vraiment pris confiance en moi. J'ai l'impression de ne faire qu'un avec le vélo, les paysages défilent et les voitures s'espacent. On traverse un premier village, un deuxième, on croise des vaches, des chevaux... Poussinette finit par s'endormir et fait la sieste dans le cargo.
Il y a une peu de relief sur le trajet, à peu près 300m de dénivelé. Mais ce n'est pas si difficile. Je joue avec les vitesses pour avoir un mouvement constant de pédalage. On va tranquille dans les montées, on s'économise avec la plus petite vitesse ...et puis on fonce dans les descentes, faisant gonfler nos imperméables.
La pluie s'intensifie, mais je n'y fais pas attention. Mon but est devant et il se rapproche de plus en plus, kilomètre après kilomètre. C'est une maison chaude, dans laquelle brûle un feu de bois. C'est la chaleur, la gentillesse de nos amis. Je monte des côtes sous la pluie, le sourire aux lèvres et les automobilistes qui me croisent me prennent certainement pour une folle... Ou peut-être une héroïne, qui sait ?!16h
On fait une pause dans un village, pour que poussinette se dégourdisse les jambes et qu'on reprenne des forces avec une barre chocolatée et de l'eau. Des gamins du villages arrivent à vélo et s'extasient devant le cargo. On discute cinq minutes, je me la pète un peu en leur parlant des kilomètres qu'on a déjà parcourus, des étoiles brillent dans leurs yeux.
C'était le rêve d'Alfredo et c'est devenu le mien. Ca y est, nous vivons notre premier voyage à vélo en famille. Alors je suis heureuse de dire à ces jeunes que c'est possible.On repart et la fin du trajet est plus difficile. On traverse la forêt dans une côte interminable. Poussinette a le mal des transports et on gère comme on peut... (merci la boite de mouchoirs !). La pluie s'intensifie de nouveau et on termine par une côte sur un chemin plein de nids de poule. Je ne pense plus à rien, rien d'autre que mon but. Et enfin nous arrivons...
17h
Nous sommes trempés, fatigués, mais heureux :)
Dimanche
On profite ! On parle, on cuisine, on joue avec les petits, on parle encore, on se repose et puis... on parle. On a tant de choses à se raconter depuis les vacances d'été !
On découvre leur mini renarde complètement mignonne - craquante - adorable - etc...
On observe le petit renard et poussinette jouer ensemble, apprendre à gérer les frustrations (puisque évidemment ils veulent toujours le jeu de l'autre) et finir par se faire des câlins et des bisous ♥Lundi matin
J'appréhende un peu le retour. Je n'ai aucune courbature du voyage aller, mais on s'est couchés tard et je suis quand même sacrément fatiguée... Pendant que les papas sont partis se promener avec les enfants, on prépare un super brunch. Opération "prendre des forces avant le départ".
Après avoir mangé, on regarde les horaires de train. Il y en a un à 17h10. C'est jouable si on part vite. Alors comme samedi, on saute dans nos vêtements et on jette nos affaires dans le sac (sauf que cette fois-ci, Alfredo prend le temps de regarder s'il y a une route plus sympa ^^). On embrasse nos amis et vaille que vaille, c'est reparti !Finalement le plus douloureux c'est de reposer ses fesses sur la selle. Les ischions ont supporté mon poids tout l'après-midi de samedi et ne sont pas très heureux d'être de nouveau sollicités. Mais Alfredo m'affirme qu'on s'habitue et... c'est vrai. Au bout d'un moment je ne sens plus rien. Il faut dire que la selle qu'il m'a choisi me convient bien.
Aujourd'hui il ne pleut pas mais il fait toujours frais. Poussinette était contente de monter dans le vélo, elle savait à quoi s'attendre et a pris ses marques. D'ailleurs, 1 min après être partis, elle dort... et ne voit pas la biche qui traverse la route devant nous, pour finalement retourner là d'où elle venait en deux ou trois sauts gracieux. Cet instant magique !
Le retour est plus facile, beaucoup de descentes et puis on connaît la route alors ça passe plus vite. Quand je ne regarde pas les paysages, je fixe Alfredo devant moi, constant dans le mouvement de ses jambes, l'imper' gonflé par le vent... Parfois j'aperçois le casque de poussinette devant.Quand je ne le vois plus, c'est qu'elle dort. Le cargo est tellement lourd et moi tellement légère sur le Croix de fer, que je me laisse facilement distancer dans les descentes. Et je pédale, pédale pédale, le vent sifflant à mes oreilles.
En sortant d'un village, un gros chien nous poursuit en aboyant et tente de me sauter dessus. Je fonce pour m'échapper et Alfredo pousse un énorme cri avant de montrer ses dents. Le chien prend peur et repart. Je n'ai peut-être pas eu la meilleure réaction... mais Alfredo est abonné à un magazine de vélo et a lu une anecdote de ce genre, il a su quoi faire ! :)
La fin du trajet est un calvaire. Nous sommes sur une légère pente descendante, mais nous devons pédaler avec force pour lutter contre le vent. C'est épuisant !! Alfredo regarde l'heure avant de traverser le dernier village. C'est bon, on va arriver tout juste pour monter dans le TER !
Et nous arrivons à la gare. Poussinette est hyper heureuse, elle parle sans discontinuer de tout ce qu'elle voit, de ce qu'elle a vécu, des souvenirs qu'elle a de son copain petit renard...Dernière épreuve : le TER arrive. C'est un vieux train, avec un compartiment vélo (mais quelle blague !) et des couloirs très étroits. Sans parler des trois marches à monter... Alfredo démonte le cargo qui heureusement se sépare en deux, sous la pression de quatre ou cinq contrôleurs. Il met à peine 5 minutes à tout dévisser et monter dans le train la plateforme+roue avant puis la selle-guidon+roue arrière. Ce héros ♥
19h
Nous sommes chez nous.
Je vous ai raconté ce périple un peu comme ça venait, sous forme d'histoire, mais il a certains points sur lesquels je voulais attirer votre attention.Les bénéfices d'un tel voyage
- C'est peu cher !
Pour peu qu'on entretienne son vélo, les frais ne sont pas énormes. Bien sûr ça sous-entend que vos pneus sont bien gonflés, que vos freins sont bien réglés et que vous savez faire quelques réparations de base (il y a plein de tutos sur internet !).
Là on a du prendre le train parce que 90km aller, ça ne me semblait pas jouable pour une première fois. Et puis on n'avait que trois jours. Mais si à la place on avait fait tout le trajet aller à vélos, en deux fois et payé une nuit de camping, on aurait payé à peu près le même prix (~30€)- C'est écologique !
Là, à part la marche à pieds, je ne vois pas de façon plus verte de se déplacer.
Sur les pauses, on n'oublie pas de ramasser ses papiers, mouchoirs et emballages, of course !- On fait du sport !
...mais sans que ce soit un calvaire.
Je ne suis pas particulièrement sportive. J'ai un cours de danse par mois, j'emmène poussinette à vélo à la crèche quand Alfredo n'est pas là (10min de trajet à peine) et je marche un peu. Et ce trajet m'a paru vraiment facile. Je vous l'ai dit plus haut : aucune courbature ! Le secret, c'est d'adapter ses vitesses en permanence. Ça grimpe ? On se met au minimum et on fait taire la frustration d'aller lentement on regarde le paysage. Ça descend ? On augmente les vitesses et on pédale, roule ma poule !
S'économiser en montée, profiter de l'élan en descente :)- Des bienfaits psychologiques aussi
Je vous ai parlé du contexte dans lequel j'étais, des circonstances qui m'ont poussée à faire ce choix un peu fou. Mais pas besoin d'être au bord du burn out ou de la dépression pour se faire un shoot de "lâcher-prise". Avec un tel voyage, on est obligé de tout oublier, de tout laisser derrière soi. On se remplit de belles images, de paysages magnifiques, de l'odeur de la forêt, de l'air frais et humide, du vent sur notre visage. Tout notre corps est dans l'effort, on redevient soi, on prend du recul sur notre vie... Sans parler des endorphines qu'on produit, l'hormone du bonheur, qui nous apporte bien-être et euphorie dès 45 min d'endurance !
Mais surtout, on le fait ensemble. En famille. On partage cet effort, on partage ces sensations, on se motive les uns les autres, on communique sur des choses simples ("je passe devant !", "à ta droite, des lapins !", "attention la route est abimée"). Puisque notre mental n'est plus occupé par toutes les obligations de la vie quotidienne ou le travail, on se retrouve enfin en phase, on pense presque à la même chose au même moment !
Et tout ceci nous apporte quelque chose de très précieux : la confiance en soi. Se dire "je l'ai fait, j'ai réussi, j'en suis capable". Ça ne m'est pas arrivé très souvent depuis mon accouchement ^^
Et je dirais même plus, avec cette stagnation professionnelle depuis 1 an et demi, je l'ai plutôt perdue, la confiance en moi. Ce voyage qui m'a paru incroyable (et qui doit bien faire rire les cyclistes aguerris), a été une étape pour la regagner. Sans compter que j'ai vu dans les yeux d'Alfredo le bonheur de réaliser enfin son rêve et la fierté que j'y arrive haut la main, à ses côtés.Notre voyage un peu fou vous fait rêver ? N'hésitez pas, vous en êtes capable aussi !
Commencez par des balades régulière, puis un trajet pas trop long, prenez des forces en mangeant peu mais sucré (ça part direct dans les muscles, dixit Alfredo), buvez bien ! :)♥
J'ai été absente pendant presque un mois. L'envie créative n'était pas là et j'ai préféré prendre du temps pour moi, pour ma famille, pour ma maison, dans cette période où j'étais trop fragile.
Mais je ne vous ai pas oubliés, j'ai même souvent pensé à vous, à tout ce que je pourrais vous montrer, vous écrire...
J'espère que cette histoire, qui m'a donné l'envie de revenir sur le blog, vous a touchés, de quelque manière que ce soit. Et j'essaierai d'être plus présente, même s'il y a encore des hauts et des bas.Des bisous à tous ♥
- Lilaluna -
Tags : vélo, voyage, cargo, Croix de fer, écologie, économie, sport, lâcher prise, confiance en soi
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Commentaires
2LineVendredi 12 Mai 2017 à 18:18Coucou!
Ravie de te retrouver dans tes folles aventures quotidiennes! Je m'inquiétais presque. Cet article est bien amusant, et je suis contente que tu aies réussi à prendre du recul pour passer un agréable moment entre amis. Ton introduction me fait de la peine car je vois que nous sommes dans la même situation émotionnelle, alors je comprends toute cette tension. Mais moi je ne sais pas comment arriver à lâcher-prise... Tant mieux si tu y arrives, continue! Et à bientôt alors!
Bisous
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Vendredi 12 Mai 2017 à 22:00
Oh ma petit malinoise ! On est chacune à galérer dans son coin... Ca m'a fait beaucoup de bien cette coupure et je n'ai pensé à rien pendant trois jours, je ne pouvais rêver mieux. Par contre le stress est revenu bien vite et je dois user d'imagination pour ne pas le laisser m'envahir (dur dur). Je te raconterai dans un mail mes péripéties des derniers mois parce qu'on n'a pas pu beaucoup parler à l'anniversaire de la doudouce...
Je te souhaite toute la douceur que tu mérites ♥♥♥Gros bisous
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C'est rigolo, parce que pas plus tard qu'hier soir, on parlait avec le Doudoucha du lâcher-prise, de faire des trucs un peu foufous de dernière minute, sans rien préparer, sans se soucier de rien... J'en suis bien incapable pour l'instant, mais j'espère y arriver bien vite ! Ca nous a fait super plaisir de vous recevoir ce weekend, c'était magique !
Et on a bien rit en lisant votre récit ce matin, merci ♥
C'était juste ce qu'il nous fallait pour bien commencer la journée :)
Ah et dernier truc : tu dessines super bien ♥♥♥
Gros bisous les chérichoux !
Tu dis que tu en es incapable mais vous avez su nous accueillir alors que ce n'était pas prévu du tout !
Et oui tu as raison, c'était magique !
Merci pour le compliment ! ♥♥♥
Gros bisous à vous quatre